25.04.2024

Automne 2017, un réveil des peuples?

Cet automne, dans un intervalle d’une semaine, deux nations en lutte vont décider de leur avenir à l’occasion de référendums sur l’indépendance: le Kurdistan le 25 septembre et la Catalogne le 1er octobre.

En plus de la proximité des dates, les référendums kurde et catalan sont comparables sur les plans géographique et contextuel. Dans les deux cas, le territoire concerné recouvre une partie minoritaire de la zone de peuplement nationale (la Generalitat de Catalogne représente en superficie 46% du territoire des Pays Catalans et la Région Autonome du Kurdistan Irakien seulement 16,5% du grand Kurdistan). Et tous les deux sont en train d’affronter un contexte politique international hostile.

En Catalogne, alors que le procès vers l’indépendance est bien engagé (le Parlement de Catalogne en a accompli le premier acte en validant une loi qui autorise de voter), l’État espagnol se montre de plus en plus menaçant. Ainsi, le parquet a mobilisé toutes les forces de police (Guardia Civil, Police Nationale et Mossos d’Esquadra) afin d’empêcher le référendum avec des mesures répressives diverses: confiscation des urnes, des bulletins de vote et de tous les documents et matériels de diffusion, menaces judiciaires contre les médias publics catalans qui parleraient du référendum, poursuites pénales contre les 712 édiles catalans et aranais qui soutiennent le processus, mise sous tutelle des finances de la Generalitat, perquisitions au siège du gouvernement catalan, arrestation d’un dirigeant. Entre temps, le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a demandé aux Catalans de ne pas aller voter. Cependant, toutes ces pressions et intimidations n’ont pas diminué la détermination du peuple catalan, qui était plus d’un million à manifester à Barcelone pour l’indépendance le 11 septembre dernier, jour de la Diada, la fête nationale de Catalogne.

Au Kurdistan irakien aussi, le référendum a rencontré les mêmes contraintes: opposition catégorique du parlement et du gouvernement irakiens qui menacent de faire intervenir l’armée, indifférence ou hostilité à l’international (surtout des États voisins —la Syrie, la Turquie et l’Iran— qui comptent d’importantes minorités kurdes sur leurs territoires), alors que la détermination populaire est plus que forte.

Ces deux référendums sont un défi: « Qui de la raison d’État ou de la volonté populaire se montrera la plus forte? ». L’organisation des Nations Unies reconnaît deux doctrines contraires: l’inviolabilité des États et le droit des peuples à l’autodétermination.

Pour rappel, l’actualité de l’automne 2014 était rythmée par les référendums successifs de l’Écosse et de la Catalogne. Dans le premier cas, les indépendantistes avaient perdu de peu à cause des mensonges de Londres. Dans le second, la pression étatique espagnole avait contraint les Catalans à transformer le référendum en consultation populaire sans valeur juridique autre que la légitimité internationale obtenue grâce à la victoire du « oui » à l’indépendance.

Actuellement, les États unitaires mal nommés États-nation, même s’ils sont diminués par une guerre civile comme c’est le cas de l’Irak, sont encore assez puissants pour s’opposer à l’indépendance de leurs régions et l’empêcher par la force si nécessaire. Et les réticences internationales sont encore aussi fortes. Néanmoins, le vernis semble se craqueler depuis que diverses réactions internationales ont fait comprendre qu’elles soutenaient le droit des Catalans à l’autodétermination et qu’elles seraient prêtes à travailler avec une Catalogne indépendante. Pour le Kurdistan du Sud, l’affaire demeure par contre plus compliquée.

Naturellement, l’ANÒC salue les référendums kurde et catalan qu’elle perçoit comme porteurs d’espoirs pour les nations en lutte, en premier lieu l’Occitanie. Mais au-delà, la question de l’avenir du Val d’Aran, et plus généralement de l’Occitanie, se pose inévitablement.

La situation de l’Occitanie entière est comparable en dimension et en diversité à celle des Pays Catalans ou du grand Kurdistan. En situation normale, ces trois nations seraient des États de taille moyenne. Mais à cause de puissants voisins ou d’anciens découpages coloniaux, l’histoire a laissé sa marque. À l’inverse de la Catalogne du Sud ou du Kurdistan irakien, l’Occitanie entière n’a pas de région autonome de forte identité qui puisse porter le drapeau du peuple minorisé.

L’ANÒC rappelle que dans le futur État catalan, il y a le Val d’Aran qui est de culture occitane. Pour cela, nous demandons que le futur État catalan soit un État binational, catalan et occitan. Il s’appellerait République de Catalogne et d’Aran. L’intérêt des Aranais, et des Occitans en particulier, est d’être associé au processus indépendantiste catalan: la Catalogne est plus favorable à la culture occitane que ne l’est l’Espagne. 

Nous sommes conscients qu’il y a des obstacles qu’il faudra dépasser. Il y a encore un fort sentiment espagnoliste en Aran. Et nombreux occitanistes, curieusement, soutiennent l’indépendance pour la Catalogne… mais pas pour l’Occitanie. Et l’Occitanie réelle est confrontée à une nouvelle division inquiétante: la Région de Toulouse, officiellement appelée « Occitanie », représente seulement un tiers de toute l’Occitanie.