La nomination de François Bayrou à Matignon, en tant que premier ministre de l’État français, le 13 décembre dernier, a suscité chez plusieurs militants occitanistes un enthousiasme que nous ne partageons pas.
Nous savons bien que Bayrou parle occitan et que, quand il était ministre dans les années 1990, il a fait quelques actions ponctuelles pour l’enseignement de l’occitan. Cependant, ce n’est pas une raison pour se réjouir de sa nomination en tant que premier ministre. D’abord, parce que c’est une décision qui ne concerne que la cuisine interne du pouvoir central parisien. Ensuite, parce que cela ne signifie pas que Bayrou mènera une politique favorable à l’occitan.
Cette croyance illustre bien la crise qui ronge l’occitanisme politique depuis plus de 15 ans et qui l’empêche d’avoir un regard lucide à propos de Bayrou.
- Le renoncement : il y a des défenseurs de l’occitan qui croient naïvement que la solution, pour renforcer la langue occitane et protéger notre culture, viendrait de l’État français ; donc, ils croient qu’il serait inutile de se prendre en main, ils croient qu’il suffirait d’attendre qu’un dirigeant français favorable à l’occitan arrive à Matignon ou à l’Élysée.
- Le minimalisme : il y a des défenseurs de l’occitan qui se contenteraient des mesurettes décidées par ce nouveau gouvernement « favorable de Bayrou », si jamais une telle chose arrivait ; or, ce n’est pas garanti.
- La déconnexion de la société : il y a des défenseurs de l’occitan qui se sont enfermés dans une sorte d’élitisme qui les déconnecte des questions qui préoccupent la société (transports, chômage, coût de la vie…) ; de plus, certains se mettent à contre-courant des luttes et des aspirations du peuple occitan en matière de développement économique.
- La dérive idéologique : il y a des défenseurs de l’occitan qui se réjouissent de la venue de Bayrou parce qu’il est un « Occitan qui parle la langue ». Mais, depuis quand l’occitanité d’un politicien en fait quelqu’un de bien ? Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac étaient bien occitans eux aussi, ainsi que Christine Albanel et Alexis Corbière. Jean-Michel Blanquer et Manuel Valls sont d’origine catalane. Or, toutes ces personnes ont porté préjudice à l’occitan. De plus, nous nous souvenons que Jean Castex, lui aussi, prétendait défendre l’occitan et le catalan, mais, lorsqu’il a été premier ministre de 2020 à 2022, il n’a rien fait en faveur de l’occitan.
- Les compromissions : suite à cette illusion, actuellement, certains militants occitans se sont associés à Jean Lassalle; et Lassalle parle occitan, c’est vrai; mais Lassalle est aussi un complotiste réactionnaire et sexiste qui a rencontré Bachar el-Assad en 2017 (pendant l’élection présidentielle de 2017, l’Assemblada Occitana, alors nommée Assemblada Nacionala Occitana, avait mentionné Jean Lassalle parmi les candidats intéressants, à côté de Philippe Poutou, mais cela a été une erreur que nous regrettons et que nous assumons; cependant, en 2017, il est vrai que nous ne connaissions pas encore les aspects obscurs de Jean Lassalle).
L’Assemblada Occitana tient à rappeler que François Bayrou, le premier ministre « occitan qui parle la langue », dirige un gouvernement composé de ministres qui accumulent une série d’affaires judiciaires : ils traînent notamment des accusations de corruption (François Bayrou, Rachida Dati, Manuel Valls), des accusations d’agressions sexuelles (Gérald Darmanin) et des attitudes scandaleuses (Élisabeth Borne à Mayotte)…
À présent, nous voyons deux hypothèses réalistes dans le futur proche :
- Bayrou fera passer peut-être une ou deux mesures légères pour faciliter un peu l’enseignement de l’occitan, comme il l’a déjà fait dans les années 1990, mais il ne fera rien de décisif pour sauver l’occitan sérieusement : nous savons qu’il ne veut pas faire de l’occitan une langue officielle.
- Bayrou ne fera peut-être absolument rien pour l’occitan — comme Jean Castex — car il fait passer en priorité la vision misérable de la politique française et parisienne.
En tant qu’occitanistes, nous devons cesser de nous préoccuper des questions de politique franco-française e des petites querelles entre centralistes RN-LFI-LR-LREM, car elles ne nous offrent rien de sérieux.
Notre priorité est de libérer la nation d’Occitanie, des Alpes à l’Atlantique : nous voulons vivre et décider au pays, nous voulons vivre pleinement en occitan.
Photo : Thomas Bresson